L'eczéma et les moments de séparation

Sommaire de la page : eczéma et moments de séparation

1. Témoignage
2. Un lien privilégié
3. Pourquoi ?
4. Séparation ou abandon?
5. Installation d'un cercle vicieux
6. Pour aller plus loin...

Atteinte d’une dermatite atopique dans la petite enfance, elle guérit comme 75 % des enfants et n’a plus aucune trace d’eczéma jusqu’en septembre 2010. La date n’est pas cherchée, elle est précise, nette, reconnue comme telle, comme une trace, une marque qui ne demande qu’à être décodée. 

« Et que s’est-il passé en septembre 2010 ?... Après quelques instants de réflexion (ou d’hésitation), madame L. me parle des préparatifs de leur mariage programmé pour juillet 2011. 

« Et alors ?  Ça a été un peu difficile de mettre tout le monde d'accord?  Tout le monde : c’est qui en particulier ?  Ma mère, c’est une femme très active, qui s’investit beaucoup, mais le cordon ombilical n’est pas coupé et elle devient vite étouffante. Il faut toujours qu’elle ait raison, et plusieurs fois il y a eu des conflits et des éclats de voix entre nous. Elle n’arrivait pas à comprendre que je partais, et pourtant elle était très heureuse que je me marrie et que je fasse ma vie. Ma mère voulait préparer mon mariage à ma place. Mais ce n’est pas avec moi qu’elle est la pire, c’est avec mon frère, il a 27 ans et il faut qu’elle l’appelle tous les soirs. »

Le problème dans cette histoire, ce n’est pas tant le comportement de cette mère abusive, c’est la capitulation de sa fille. Madame L. reconnaît volontiers, en se cachant un peu derrière sa mèche de cheveux, qu’elle a pris l’habitude de toujours terminer leur discussion par la reconnaissance de ses torts et du bien- fondé de l’avis de sa mère. « Pourquoi avoir accepté une telle attitude ? Par besoin de sécurité ! » Réponse immédiate, sincère, aveu d’une transaction qui bénéficie aux deux partenaires de l’affaire.

L’intrusion de la mère est légitimée par le besoin de sécurité de la fille. La capacité à voyager sur la planète, à gérer des relations humaines professionnelles ne font rien à l’affaire qui nous occupe ici : la séparation d’une mère et de sa fille, la séparation d’une fille et de sa mère. Avec beaucoup de douceur et sans aucune culpabilité dans mes propos, Madame L. comprend rapidement l’enjeu de cette histoire : pourra-t-elle se séparer, fermer la porte de son intimité à sa mère sans déclencher ses propres angoisses d’insécurité ? 

Un  stress bien précis se retrouve régulièrement à l'origine des poussées : ce sont les moments de séparation : divorce, départ de la maison pour les études, mariage, changement de vie. Eczéma et moments de séparation forment un duo infernal.

Dans ce contexte précis, se mélangent : peur de quitter la famille, culpabilité de quitter la famille, insécurité dans l'avenir ( manque de confiance en soi, chute de l'estime de soi), besoin de tout maîtriser, difficulté à dissocier séparation et abandon, etc...

La peau contient des terminaisons nerveuses capables de produire des substances qui activent l'inflammation.  En retour, l'inflammation avec son cortège de grattage est un stress  par lui-même. Skin neurogenic inflammation 

Quand on touche la peau d'un bébé couvert d'eczéma, la peau ne transmet qu'un seul message : de la douleur. Même les mamans adeptes des câlins peau à peau ne font malheureusement qu'aggraver le problème, puisque leur bébé va ressentir de la douleur. 

Non seulement, la peau envahie d'eczéma ne transmet que de la douleur au cerveau, mais en plus, elle ne transmet pas des informations de sécurité. C'est donc double peine pour le bébé : il est en manque d'information sécurisante et il est envahi de douleur. Et tout ça juste parce que sa maman caresse sa peau...et que l'eczéma est présent.

Le toucher émotionnel correspond aux informations transmises par la peau au cerveau dans une zone très particulière, centre de la gestion des émotions, et de la construction de l'identité, de la sécurité. Si la peau brûle sous l'effet de l'eczéma, rien n'est transmis, le cerveau est en carence, l'enfant ne construit pas sa zone de sécurité.  Ce manque de stimulation du système limbique, le centre de la gestion des émotions, sera d'autant plus important que l'eczéma sera permanent au quotidien.

Le premier besoin d'un enfant n'est pas de manger mais de se sentir en sécurité. C'est ce manque que dessinent les enfants atteints d'eczéma. Il leur manque des membres, ou bien leur taille est plus petite :  dessine toi avec et sans eczéma. Dans le dessin présenté ici, l'enfant 5 ans se présente avec l'eczéma à gauche, sans mains et sans membres inférieurs, alors que à droite sans eczéma il a récupéré ses membres.

Si sa peau ne le lui transmet pas les informations de sécurité, le bébé ira la chercher encore plus dans un attachement excessif à sa mère. Selon la théorie de l'attachement de Boris Cyrulnik, tout attachement sécure permettra un détachement sécure, et inversement tout attachement insécure entrainera un détachement insécure, donc hyper stressant, donc déclencheur de poussées d'eczéma.

Déculpabilisez-vous ! "On" vous a tellement dit de partout que c'était de votre faute, alors que vous avez tout tenté, tout cherché pour trouver une solution. Epuisée, les mamans sont coupables de tout! Et c'est à ce moment là, en fonction du degré de sécurité de la maman dans sa propre histoire, que des cercles vicieux vont pouvoir se mettre en place, ou pas du tout ...

J'ai eu la chance de passer mon diplôme de dermato psychologie à l'université de Marseille et particulièrement d'assister aux consultations du professeur Rufo. Ses livres sont simples à lire, que des histoires de patients et des conseils simples. Détache-moi exprime bien la nécessaire évolution de l'adolescent qui doit se détacher de ses parents. Ce détachement est une séparation symbolique, il ne s'agit en rien d'un abandon.

• tu as cherché à quoi tu es allergique ?
• mais enfin on n'en meurt pas !
• vous ne devriez pas faire ce traitement
• moi j'ai fait ça et depuis je n'ai plus rien

Autant de difficultés dans l'eczéma qui  culpabilisent...

Au moment de la pudeur, l'enfant doit pouvoir décider seul qui le regarde, qui le touche et qui le surveille. Ne pas respecter ce passage est source de honte et de culpabilité. L'autonomie indispensable est une façon de ne pas aggraver ce sentiment d'insécurité.

Comorbidités de santé mentale chez les patients atteints de dermatite atopique