Dessine-toi avec et sans eczéma

• L'hypothèse soulevée
• Peut-on faire de la prévention?
• L'intérêt de ce travail en consultation
• Communication autour des dessins
• Retour du travail 

Ces études sont basées sur des critères d'adultes. Elles sont réalisées chez des enfants atteints d'eczéma de gravité modérée à sévère.

Les tests ci-dessous sont ceux utilisés par les adultes pour "quantifier" la qualité de vie des enfants. Toutes les études internationales attestent de : 

1. Troubles du sommeil,
2. Dégradation de l’estime de soi
3. Troubles anxio-dépressifs jusqu'au suicide
4. Troubles de l'attention, pouvant aller jusqu'aux TDAH (déficit de l'attention avec hyperactivité)
5. Agressivité, ou au contraire isolement social
6. Projection négative sur l'avenir
7. Engagement dans des études moins longues         

Vous avez ici, dessous, les questionnaires validés à l'échelle internationale pour tester la qualité de vie dans l'eczéma de vos enfants. Cela peut vous aider à en parler.                              

Les enfants, eux ? Qu'ont-ils à dire ? Leur donner la parole, c'est leur demander de dessiner. C'est leur moyen favori d'expression.

• S'il te plait, serais-tu d'accord pour me faire un dessin ? Un dessin pour moi ?
• J'aimerais que tu me dises qui tu es quand tu as de l'eczéma, et qui tu es quand tu n'en as pas. 
• «Dessine toi avec l’eczéma et sans l’eczéma»                             

Les parents devaient bien sur donner leur accord et l'ont signé ensuite pour que le dessin de leur enfant puisse intégrer l'étude. 

A la fin de la consultation, quand je discutais de l'ordonnance avec le parent. Ceci est important à respecter car : 

• je m'étais déjà adressé directement à l'enfant au moment de l'examen, pour lui demander comment il allait,  de me montrer où il avait mal, et de mettre en jeu les soins de façon ludique 
• à la fin de la consultation, c'est le parent qui est convoqué dans l'attention de l'ordonnance, cela permet à l'enfant de se sentir à l'abri des regards, son parent et le mien, gage de sincérité et de spontanéité. 

• Docteur Bourrel dermatologue,
• Docteur Bouttaz médecin généraliste,
• Docteur Mauries Perrier pédiatre,
• Madame Cécile Tribouillard pharmacien et patiente atopique,
• Madame Emeline Cambet infirmière et patiente atopique,
• Madame Jocelyne Dijoud professeure des écoles.

Il fallait 4 résultats identiques pour appartenir à un groupe. Les dessins pour lesquels les résultats étaient discordants étaient rangés dans le groupe Les Complexes par défaut.

59/64 parents ont donné leur accord pour la publication des dessins. Un seul a refusé. 4 n’ont pas répondu.

Dans ce groupe, le schéma corporel avec l'eczéma n'est pas complet, il se normalise sans l'eczéma.  Dans cette première série de 5 : il manque des membres du côté de l'eczéma (à gauche), les membres réapparaissent du côté sans eczéma (à droite).

Dans ce dessin ( à lire de droite à gauche ) 

• à droite = côté avec eczéma : le corps a complètement disparu ; dominé, envahi par l'eczéma, c'est le grattage compulsif, la main peut aller jusqu'à perforer la feuille.
• à gauche = côté sans eczéma : le bonhomme apparait !

Ici, l'enfant a dessiné sur deux feuilles : 

• à gauche : lui , régression au stade " caca-boudin" avec l'eczéma
• à droite : lui sous la forme d'un magnifique bonhomme patate

Là, le corps reste amputé des deux côtés,

mais la taille de la tête augmente fortement du côté droit sans eczéma

Dans ce groupe, certains enfants se sont mis en scène. Ils dessinent en quoi l'eczéma perturbe leur interaction avec leur environnement.

Paroles des enfants : 

1. N'approche pas sinon je te mange,  (enfant = requin, eczéma = ver de terre)
2. L'oiseau enlève le grattage sur le dos du chien et sans eczéma le chien il est bien
3. Ca gratte, ça gratte pas
4. J'ai peur du monstre (côté eczéma)
5. Je suis enfermée dans la tour avec l'eczéma, et là je peux sortir
6. Pour le coeur : l'enfant n'a pas souhaité commenter son dessin
7. L'arbre est troué avec l'eczéma, il retrouve ses feuilles sans.
8. J'ai dessiné tout ce que je ne peux pas faire sans avoir mal : aller à la piscine et jouer du violon

Dans ce groupe, à part le dessin 4, l'image corporelle est  la même des deux côtés. Seules les plaques apparaissent du côté eczéma et disparaissent du côté sans. 

Le dessin 3 est à lire de droite à gauche

Le dessin 6 nous dit : on nami lacrém on sétai rouge du conu il y a plu eczema

Le dessin 10 : quand j'ai de l'eczéma, je garde les cheveux en l'air

C’est dans ce groupe qu’une famille a refusé la publication du dessin de leur enfant : il est important d’en parler car l’enfant avait d’abord fait un dessin rigoureusement identique avec ou sans eczéma. Puis, une fois la consultation finie, il a demandé à en faire un autre : dans le deuxième, il pleurait du côté avec eczéma. Je ne voulais pas faire de la peine à maman, je ne voulais pas lui dire que j’étais triste…

Hormis cet enfant, dans ce groupe, il semblerait que l’eczéma ait peu d’impact sur cette tranche d'âge.

Dans ce groupe, la tristesse envahit leur existence.

Ici, tous les messages se mélangent, l'amputation et la tristesse s'associent souvent

Le fond noir a été choisi dans un but de visibilité de dessins très peu visibles sur fond blanc. Le dessin de la main représente ainsi une " main de vieille " avec l'eczéma et une main de jeune ado sans .

Chaque groupe correspond à une tranche d'âge :

• Amputés  : les petits 5-6 ans
• Autre Chose : 6-7 ans
• Les Mêmes : 8-9 ans
• Les Tristes : 10 ans
• Complexes : plus de 10 ans

L'eczéma s'aggrave avec les années : les petits ont surtout des formes légères, les grands surtout des formes modérées et sévères

2/3 des enfants n'ont jamais vécu un seul jour de leur vie sans eczéma ( dans le discours des parents en tout cas) 

Le schéma corporel participe à la construction de l'identité de l'enfant. 

La façon dont l'enfant se voit, se perçoit, est un élément de la construction de la réponse à " qui je suis? " 

Un corps dessiné mutilé est la traduction écrite d'un déficit dans la construction identitaire déjà identifiable à 4 ans.

Ce manque, cette fracture sont bien liés à l'eczéma, puisque tout se normalise sans eczéma.

Un défaut dans la construction identitaire favorise un sentiment d'insécurité. Cette insécurité va se manifester sous différentes formes au long de la croissance de l'enfant et de ses interactions avec son monde 

Il semblerait que les 8/9 ans soient moins impactés dans leur relationnel, ou alors qu'ils arrivent à bien le cacher... mais ce trouble ressort violemment à partir de 9 ans sous la forme de  l'omniprésence de la tristesse... 

Ce sont des pré-adolescents, leur univers relationnel devient de plus en plus compliqué : beuh tu as vu comme t'es moche, c'est degueu ...

L'hypothèse de ce travail  est que le sentiment d'insécurité, de fragilité que vous remarquez souvent chez votre enfant provient d'un mauvais fonctionnement de la peau elle-même.

Comment ? 

• Le premier besoin d'un bébé est de se savoir en sécurité (voir la vidéo de B. Cyrulnik)
• La peau a pour fonction de transmettre au cerveau cette sécurité via les caresses, les câlins, un toucher très doux. ( Voir l'article sur le toucher émotionnel)
• L'eczéma, l'inflammation de la peau empêche de remplir cette transmission, même si la maman est très câline, peau à peau.
• La zone du cerveau (insula) est en manque d'information sécurisante, alors que d'autres zones sont au contraire submergées par les effets toxiques de l'inflammation.

B.Cyrulnik et le besoin de sécurité chez le bébé. Théorie de l'attachement

Les câlins, les caresses participent à l'attachement en sécurité de l'enfant. Encore faut-il que la peau soit saine, sans eczéma, sans démangeaisons, sans brulure, sans douleur ...Or 2/3 des tous ces enfants n'ont jamais vécu  sans eczéma (ou très peu de temps). Pourquoi ? 

•  insuffisance de traitement?
• méfiance dans les traitements?
• déception dans les traitements?
• discours discordants entre les soignants?
• incompréhension de la maladie?
• déni de la maladie .
• recherche de LA solution?
• attente de le faire disparaitre ...

Mieux former les soignants est la priorité ++++++++++++++++++++++++++++++++++

• 500 gr d'empathie
• 500 gr d'attitude éducative pour faire comprendre
• 500 gr de discussion pour définir ensemble le traitement que vous allez faire
• 500 gr de rendez-vous programmés pour vous aider, conforter, rectifier ...
• C 'est la recette d'un bonne réussite !

L’idée ici n’est surtout pas de chercher à faire une analyse psychologique de l’enfant et encore moins de se substituer aux regards des psychologues. Eric w Pireyre psychologue, nous parle de l’image du corps dans une composition composite où interviennent : 

le sentiment de continuité de l’existence, l’identité, l’identité sexuelle, la peau physique et psychique, la sensibilité somato-viscérale, la représentation de l’intérieur du corps,  les angoisses corporelles archaïques, et les mécanismes de défense.

L'enfant est en règle ravi de faire ce dessin. Il est heureux de le raconter. Il est facile pour nous les soignants et pour les parents de repérer un des 5 groupes. C 'est un argument très puissant pour légitimer le traitement et faire taire tous ceux qui disent l'inverse.