Comme t'es moche
On dirait un singe
Je ne joue pas avec toi, t'es pas belle
Normale que tu sois moche, t'as plein de boutons
Maman m'a dit de ne pas te donner la main
Après les attentats du Bataclan, un appel à la réserve citoyenne fut lancé par l'éducation nationale. Tout volontaire peut s’inscrire et proposer ses services. Service voulant dire arriver à articuler les idées fortes de la République à travers les spécificités de son métier. J’avais donc proposé de parler des discriminations que subissent les enfants atopiques. Au-delà de la douleur physique, au-delà de la frustration de renoncer à certaines activités simples comme d’aller à la piscine avec les enfants par exemple, la vraie souffrance du patient atopique adulte se situe dans l’estime de soi, impossible à construire quand toute sa vie il a entendu des réflexions désagréables, discriminantes. Il était donc important pour moi d’aller à la source de la confrontation à l’altérité, l’école.
Je fus contactée par une école primaire de Maurienne, proposant des activités le vendredi après midi sous forme d'ateliers, permettant à des enfants d’âge différents du CP au CM2 d'être ensemble.
L’atelier se déroulait ainsi :
Les enfants, étonnement en tout cas pour moi, connaissent assez bien le mot discrimination, certains en ayant déjà souffert : problème de poids, de couleur de peau ou de dyslexie.
Ils sont tous déjà bien éduqués : aux questions : « est ce que tu ne joues pas avec une fille ou un garçon parce qu’il ne voit pas bien, parce qu’il n’entend pas bien ? » les réponses sont unanimement négatives.
Ils ont bien appris leurs leçons…
Quand les vraies photos arrivent, la spontanéité faire apparaître une grande variété de réactions. Le but n’était surtout pas de les culpabiliser d’avoir chacun une réaction différente, même en cas de rejet. Une émotion s’accepte. En accord avec les maîtresses, j’ai pris un temps pour essayer de créer du langage sur l’émotion, afin de pouvoir l’apprivoiser.
La question posée était sur le comportement malgré l’émotion, en soulignant bien que certains comportements font beaucoup de mal à l’autre. La distance entre l’émotion et le comportement a été perçue globalement par tous surtout à partir du moment où je leur demandais de se mettre à la place de l’individu de la photo, comme quand ils avaient sauté dans le panier qui pique. Certains préféraient rester à distance, d’autres exprimer leur curiosité, d’autres leur empathie. Insistant bien sur le simple fait qu’il ne fallait pas faire du mal, ils ont accepté de se positionner dans leur choix. A la fin de l’atelier, je leur demandais si je pouvais compter sur eux, pour ne pas dire de méchancetés et tous ont tapé dans la main !
Je suis allée trois fois dans cette école. A chaque fois, il y avait trois ateliers de 7 à 8 enfants environ.
Qu’en restera-t-il ? Comment protéger les enfants atopiques de ce qui les marquera toute leur vie et qui restera une plaque rouge brûlante au fond de leur construction bien plus vive que la plaque d’eczéma… Il manque bien sur l’évaluation de ce travail mais peut être que ce témoignage pourra donner envie à d’autres de s’engager…