Les cures thermales pour l'eczéma

Texte écrit par Alexandre Trouillard : pharmacien assistant-Hôpital Universitaire Carémeau-CHU Nîmes, membre de l'école de l'Atopie du CHU  Montpellier. Merci de sa participation à cette page.

1/ Dermatite atopique et eaux thermales : où en est-on sur les preuves scientifiques ?

On ne dit pas « une » mais « des » eaux thermales. L’eau thermale est une eau de source d’origine souterraine (ou aquifère), naturellement minéralisée, dont la composition singulière l’invite à revendiquer une utilisation thérapeutique. Elle possède des caractéristiques hydrogéologiques, biologiques et minérales, constantes dans le temps, qui la distinguent des eaux de consommation courante. Ces véritables « signatures » des eaux thermales, spécifiques à chaque source thermale, invitent à considérer chaque eau thermale comme des entités distinctes les unes par rapport aux autres.

2/Faire synthèse des données : les « review »

Les signatures des eaux thermales déterminent ses propriétés favorables à la santé, d’abord reconnues par l’Académie Nationale de Médecine, et plus récemment par un corpus scientifique international en augmentation sur les dix dernières années. Deux publications ont fait la synthèse des connaissances publiées à ce jour sur la médiation des eaux thermales sur les pathologies inflammatoires chroniques de la peau, et leur efficacité clinique, au premier rang desquelles figure la dermatite atopique. L’une publiée par une équipe napolitaine en 2020 [1], l’autre par une équipe iranienne en 2023 [2].

3/Eaux thermales dans la dermatite atopique : késako en 2023

Les mécanismes biologiques à l’origine de l’efficacité des eaux thermales dans la dermatite atopique ne sont pas encore complètement élucidés, mais les jalons sont posés. L’efficacité semble associée, d’une part à l’absorption cutanée des éléments minéraux figurés dans les eaux thermales (notamment le sodium, calcium, soufre, sélénium et strontium), et d’autre part au microbiote aquifère, spécifique à chaque eau thermale [1,2]. Par action au niveau local, il résulte de ces combinaisons des propriétés anti-inflammatoires, antimicrobiennes, régénératrices, antioxydantes, ou encore immunomodulatrices au niveau cutané [1,2]. L’efficacité rapportée dans les études cliniques citées sur la dermatite atopique est sans équivoque : diminution de la sévérité des symptômes (mesurée par le SCORAD) de 40-50%, diminution du prurit de 34-38% ou encore amélioration de la qualité du sommeil d’environ 70% [1,2].

4/En douche, en bain ou en spray, est-ce équivalent ?

Le mode d’utilisation mécanique de l’eau thermale et sa température sont d’intérêt sur l’effet recherché. En association à un émollient, l’utilisation d’un spray d’eau thermale a montré une réduction du prurit de 63%, de façon statistiquement significative par rapport à un émollient seul [1]. Utilisée en balnéothérapie en cure thermale, il apparaît que la température de l’eau contrôle la régulation thermique de la peau, avec pour conséquence une adaptation neuro-endocrine du corps humain, une amélioration de la perfusion vasculaire des tissus cutanés, et une sécrétion de médiateurs immunomodulateurs [1]. Les spray sont particulièrement efficaces sur les plaques très épaisses, dites lichénifiées. 

5/And so what…

1. Les effets thérapeutiques de l’eau thermale reposent sur la combinaison de ses propriétés chimiques, microbiologiques, sa température, et son mode d’utilisation.
2. Le niveau de preuve des données analysées est satisfaisant, mais nécessite encore l’ajout de nouvelles études contrôlées pour renforcer la démonstration de la preuve d’efficacité [2].
3. D’avantage d’études sont nécessaires pour identifier les spécificités qualitatives de certaines eaux thermales sur des pathologies spécifiques plutôt que d’autres.
4. Il n’existe pas (encore) de données sur l’efficacité de l’utilisation d’eaux thermales par voie orale.
5. La médecine thermale ne doit pas faire oublier la place de la médecine climatique, où les conditions climatiques sur la relaxation et le stress ressenti sont également au bénéfice de la prise en charge de la dermatite atopique [1]. .

[1] Cacciapuoti et al. The Role of Thermal Water in Chronic Skin Diseases the Literature J. Clin. Med. 2020, 9, 3047; doi:10.3390/jcm9093047

[ 2] Moini Jazani et al. Management: A Review of Efficacy of hydrotherapy, spa therapy, and balneotherapy for dermatitis: a systematic review . International Journal of Dermatology 2023, 62, 177 psoriasis and atopic 189